Suggestions de lectures : 20/06/17

Jérôme Guay, Ph.D.

« Pourquoi et comment des psychothérapeutes sont meilleurs que d’autres ? » (Castonguay et Hill, 2017)

C’est le titre du dernier livre édité par Louis Castonguay et une collègue Clara Hill; je n’ai pu m’empêcher de me procurer ce livre à cause du thème du livre, de Castonguay, un des deux éditeurs, et de la qualité des auteurs qui en écrivent les chapitres ; ils sont les experts les plus reconnus dans le domaine.

Louis Castonguay, auparavant collaborateur de Conrad Lecomte à Montréal et maintenant à Penn State, joue un rôle clef parmi les chercheurs qu’il rassemble et mobilise pour développer des recherches utiles aux psychothérapeutes.

Ce livre se situe dans le contexte des rencontres bi annuelles  qui se tiennent depuis quinze ans : les « Penn State Conférences on the Process of Change ». Le thème de l’impact  du thérapeute lui-même sur l’efficacité de la psychothérapie a été discuté lors de trois de ces rencontres, mais le livre n’en est pas un compte rendu, car on a demandé aux auteurs de produire un chapitre.

Je ferai les résumés de quelques chapitres de ce livre, auxquels je me permettrai  d’ajouter mes réflexions personnelles. Ma première chronique fait une présentation générale du livre, de même qu’un résumé du premier chapitre. Le livre contient 17 chapitres divisés en quatre parties.

La première partie « Fondements empiriques » contient trois chapitres, il s’agit  de revues de littérature qui présentent l’état de la situation sur les résultats des recherches. J’ai constaté, à la lecture du livre, que presque tous les auteurs font référence à ces trois chapitres; on peut supposer  que les éditeurs ont suggéré aux auteurs d’en faire leur cadre de référence.

La deuxième partie  « Contributions au niveau conceptuel «  comprend neuf chapitres qui présentent une variété de thèmes, comme la « présence «  du thérapeute, sa capacité de réagir et de s’adapter, le rôle des réactions émotives, comment utiliser les réactions négatives,  comment l’art peut nous aider à comprendre  la thérapie, etc.

Trois recherches sont présentées dans la troisième partie, « Contributions empiriques »; je vais apporter une attention particulière à une de ces recherches parce qu’elle illustre très bien les défis que pose la complexité de la recherche sur la psychothérapie.

La dernière partie : « Implications et conclusion » contient deux chapitres, mais c’est le dernier chapitre qui est le plus intéressant. En effet, ce chapitre, rédigé par les deux éditeurs, contient les réactions de psychothérapeutes au contenu des chapitres du livre. Une fois les chapitres écrits Castonguay, selon la bonne habitude qu’il a de provoquer des échanges entre thérapeutes et chercheurs, a convoqué une réunion de thérapeutes et leur a demandé de réagir. Les discussions ont été enflammées, car, ayant investi temps et argent dans leur formation et leur métier de thérapeute, les remises en question prenaient une couleur  très personnelle pour eux. Mais les deux éditeurs rassurent le lecteur quant à l’objectivité et le respect dont ils ont fait preuve dans leur compte-rendu de toutes les opinions.

Premier chapitre « Therapists Effects, Effective Therapists and the Law of Variability »  (Barkham et al., 2017)

Ce chapitre étudie la contribution qui peut être attribuée au thérapeute lui- même lorsqu’on évalue l’efficacité de la psychothérapie.

Les auteurs discutent longuement de la variabilité, autant chez les  clients que chez les thérapeutes, qui serait une sorte de loi de la nature, un phénomène naturel. Cette notion de variabilité remet en question les résultats de plusieurs recherches, qui ont cherché à  éliminer cette variabilité chez les thérapeutes et les clients afin que l’approche thérapeutique soit la seule  variable à l’étude. Ainsi, non seulement les clients doivent avoir les mêmes symptômes, mais les thérapeutes doivent avoir été formés de la même façon et doivent suivre la méthode  manualisée de l’approche thérapeutique à l’étude.  Selon eux cette approche est une illusion, car les thérapeutes ne sont pas uniformes et doivent se réajuster constamment en réaction à la réalité changeante des clients dans le processus thérapeutique.

La revue de littérature met clairement en évidence que la personne du thérapeute a un impact sur l’efficacité de la psychothérapie;  le succès d’une thérapie dépend plus de qui le client voit que de la méthode utilisée.

Entre 15% et 20 % des thérapeutes sont plus efficaces que les autres et 15% 20 % moins efficaces. Les thérapeutes plus efficaces auraient un impact plus marqué avec les clients les plus difficiles.

Quant aux thérapeutes qui se situent au milieu (2/3), leur taux d’efficacité est analogue et il demeure constant dans le temps. Ces résultats sont encourageants, selon les auteurs, car cela signifie que la majorité des thérapeutes font du bon travail.

Entre 5% et 10% seraient des thérapeutes exceptionnels et les auteurs croient qu’il serait important de les étudier systématiquement  afin de mieux comprendre ce variable-thérapeute si important. C’est aussi ce que pensent Castonguay et Hill (Castonguay et Hill 2017) dans leur dernier chapitre de conclusion. Il s’agirait de renouer avec la tradition de l’École de Palo Alto, je suis d’ailleurs étonné qu’aucun de ces auteurs ne fasse mention de l’école de Palo Alto, dont les travaux ont eu une énorme influence sur la psychothérapie dans les années ’60 et ’70.  Un thérapeute exceptionnel, Milton Erikcson, a été systématiquement étudié; ce qui a donné lieu à une approche dite stratégique, ou éricksonnienne, qui occupe encore aujourd’hui une place importante aujourd’hui. L’observation systématique in vivo des séances de psychothérapie est une autre tradition de l’École de Palo Alto qu’il faudrait remettre à l’honneur ; j’y reviendrai lorsque je ferai le résumé du chapitre 14.

Castonguay et Hill (Castonguay et Hill 2017) insistent aussi sur la nécessité de mettre l’accent sur l’impact du thérapeute très tôt au début du traitement fin de prédire les abandons et les changements rapides. De même, il faudrait fournir des rétroactions et du monitoring aux thérapeutes en cours de formation afin de favoriser l’amélioration et prévenir la détérioration. Enfin les deux éditeurs, dans le résumé qu’ils font de ce chapitre, ne parlent pas du tout de la variabilité qui en était pourtant un thème central ; était-ce un sujet trop litigieux ?

Références

Castonguay, L.G. & Hill, C.E. (2017) « How and Why are Some Therapists Better than Others ? » American Psychological Association, 356 p.

Castonguay, L.G. & Hill, C.E. (2017) « Therapist Effects : Integration and Conclusions » in  Castonguay & Hill (eds) 2017

Barkham, M., Lutz, W., Lambert, M. J. &Saxon, D. (2017) « Therapists Effects, Effective Therapists and the Law of Variability » in  Castonguay & Hill (eds) 2017

-Jérôme Guay