Est-ce que l’alliance est vraiment thérapeutique ?
C’est le titre d’un article offert dans le dernier numéro de “American Psychologist” (Zilcha – Mano, 2017). Il s’agit d’une question très pertinente, même s’il y a consensus autour du fait que l’alliance serait le facteur commun qui expliquerait le mieux les résultats positifs des psychothérapies. En effet, la notion d’alliance est floue et imprécise et n’offre pas une définition opérationnelle qui nous permettrait d’en spécifier les composantes. L’auteure de cet article tente de répondre à la question au moyen d’une revue de littérature des recherches récentes sur le sujet.
C’est un article exemplaire, dans le sens d’être un exemple de ce que devrait être une revue de littérature. L’auteure nous offre une discussion approfondie et sophistiquée des résultats des recherches, dont elle évalue la valeur à la lumière de leurs qualités méthodologiques; elle connait d’ailleurs très bien les dernières avancées dans le domaine.
Comme elle le précise, ce n’est pas parce que les recherches antérieures démontraient une association entre l’alliance et la diminution des symptômes, qu’il faut y voir un lien de causalité ; ces recherches ne fournissent aucune preuve que l’alliance est thérapeutique en soi.
Pour pouvoir mieux répondre à la question, il faut distinguer entre les traits de personnalité du patient qui existent préalablement à la psychothérapie, et le processus d’interaction entre le thérapeute et le client. En effet, il se pourrait que certains patients aient des habiletés et compétences interactionnelles qui expliqueraient le développement d’une bonne alliance avec le thérapeute.
Les patients, qui ont beaucoup de facilité à développer des relations gratifiantes avec les autres, vont développer une forte alliance tôt dans le traitement. Dans ces situations, l’alliance ne serait pas thérapeutique en soi, mais pourrait favoriser d’autres processus thérapeutiques.
Par contraste les patients, qui ont des difficultés à former des relations, réussiraient moins bien à développer une alliance avec le thérapeute. Dans ces situations la valeur curative de l’alliance devient très importante, car elle devrait amener des changements dans ces traits de personnalité.
Il serait important de porter attention aux traits de personnalité des patients afin de déterminer le type de traitement qui conviendrait le mieux et aussi prévoir le niveau de progrès auquel on peut s’attendre. Par exemple un thérapeute pourrait s’attendre à former une relation plus distante avec les patients qui ont un style d’attachement de type évitant.
Par ailleurs, les patients avec un style d’attachement insécure pourraient donner lieu à des résultats contraires. Certains pourraient rechercher activement une relation fusionnelle avec beaucoup de proximité et de soutien; mais si ça se fait au détriment de l’indépendance et de l’autonomie, les effets de la psychothérapie seront moins positifs. Mais si l’alliance procure la sécurité, dont le patient a besoin, les résultats seront meilleurs.
En somme, l’auteure ouvre la porte, mais il reste beaucoup de travail à faire pour continuer à détailler et spécifier les diverses composantes de l’alliance thérapeutique pour que les recherches apportent des éléments utiles aux thérapeutes.
Références
Zilcha – Mano, S. (2017) “Is the Alliance Really Therapeutic? Revisiting This Question in Light of RFecent Methodological Advances “American Pstychologist, vol. 72, No. 4, 311 – 325.
-Jérôme Guay