L’influence de la pratique de la méditation de pleine conscience sur le thérapeute et sur son travail avec ses clients

La méditation est très populaire en ce moment dans les médias. De nouvelles approches thérapeutiques se développent en l’incluant. Ses nombreux aspects positifs sont mis en avant, mais en existent-ils sur le plan scientifique? Est-ce que cette pratique modifie le rapport du thérapeute à lui-même? Si oui, qu’est-ce qu’elle modifie? Peut-elle influencer la psychothérapie en agissant sur le thérapeute?

Mon propos a pour simple ambition d’offrir un aperçu non exhaustif de la littérature scientifique à ce sujet.

Il s’agit tout  d’abord de définir ce qu’on entend par la méditation de pleine conscience. La définition à laquelle fait référence la littérature scientifique est une forme particulière d’attention dirigée. C’est un état qui invite à être attentif moment après moment ainsi qu’à l’expérience de quelqu’un sans jugement.

1. La pratique de la méditation de pleine conscience a-t-elle une influence sur le thérapeute?

De nombreuses études prouvent que la pratique de la méditation de la pleine conscience aide les psychothérapeutes sur le plan émotionnel : pour réguler ses émotions, gérer le stress tant au niveau physiologique, cognitif que comportemental, mieux moduler la peur, être moins réactifs, être davantage en harmonie avec soi, développer des émotions positives et minimiser les affects négatifs et les ruminations (Davis et Hayes, 2010; Keane, 2014).

Cette pratique est bénéfique également sur le plan cognitif. Elle aide l’individu, notamment le psychologue, à développer une meilleure attention, une plus grande flexibilité cognitive, une attention plus accrue à son corps, et améliore la rapidité de l’information traitée.

De plus, la pratique de la méditation de la pleine conscience a des bénéfices significatifs, reconnus sur la santé physique et sur le plan personnel comme la conscience de ses propres besoins, la connaissance de soi, l’introspection, la moralité, l’intuition, et l’accroissement du fonctionnement immunitaire et du bien-être, selon les études citées par Davis et Hayes en 2010.

2. La pratique de la méditation de pleine conscience a-t-elle une influence sur le travail avec le client pour le thérapeute ?

Les études recensées indiquent que la pratique de la méditation de pleine conscience influence positivement la santé physique et psychique ainsi que les capacités cognitives du thérapeute. Or, le psychothérapeute est son propre outil dans son travail auprès du client. Alors, est-ce que la pratique de la méditation de pleine conscience peut influencer l’alliance thérapeute, la relation thérapeutique, le cours de la psychothérapie ou même les résultats de la thérapie? Nous allons examiner cela de plus près.

Grepmair et ses collègues en 2007, comparent le traitement de patients hospitalisés soignés par des thérapeutes stagiaires pratiquant la méditation zen (pratique durant une heure tous les matins, avant les sessions psychothérapeutiques) avec les patients de thérapeutes stagiaires ne la pratiquent pas (groupe contrôle). Immédiatement après les sessions thérapeutiques, le groupe des patients soignés par des thérapeutes pratiquant la méditation obtient de meilleures évaluations que les patients du « groupe contrôle » en ce qui concerne la connaissance de leur propre dynamique, des caractéristiques de leurs difficultés, la perception subjective de leurs progrès pour surmonter leurs difficultés ainsi que le développement et l’implémentation de nouveaux comportements dans leur vie quotidienne. Ainsi, cette recherche montre que la promotion de la pleine conscience influence positivement le cours de la thérapie et les résultats des traitements des patients.

Une étude s’intéressant au point de vue des thérapeutes est celle menée par Keane (2014). Ce chercheur effectue un sondage auprès de plusieurs thérapeutes pratiquant la méditation depuis plusieurs années (pratique effectuée pendant une à deux heures au moins par semaine). Puis, parmi les thérapeutes interrogés, quelques-uns sont interviewés. Les résultats montrent que pour tous les participants, la pratique de la méditation influence leur travail. Pour les 2/3 interrogés, leur pratique modifie leur compréhension de la psychothérapie. Les effets retenus sont une meilleure capacité à être empathique (indicateur positif de la relation thérapeutique selon le chercheur), une plus grande conscience du transfert et du contre-transfert, l’apport de perspectives psychothérapeutiques et la capacité à écouter plus profondément.

Par ailleurs, Davis et Hayes (2010) ou Keane (2014) font référence à des études qui démontrent que la pratique de la méditation de pleine conscience aide le psychothérapeute à développer des qualités personnelles qui contribuent à un lien thérapeutique jugé satisfaisant ou positif. Cette pratique permet d’enrichir la clarté de son travail avec le patient, d’être davantage à l’écoute des autres, d’être plus confortable avec le silence et plus attentif au processus thérapeutique. Elle induit chez les clients la diminution de la sévérité de leurs symptômes, l’amélioration de leur bien-être ainsi qu’une plus grande satisfaction dans leurs relations avec autrui.

Curieusement, les thérapeutes interrogés dans l’étude de Keane (2014) rapportent que la méditation amène également des défis personnels et professionnels. C’est un résultat auquel le chercheur ne s’attendait pas. Cela s’explique par le fait que la méditation invite à être plus intensément conscient et ouvert à la souffrance des clients. Certaines expériences de pleine conscience peuvent être difficiles à vivre. D’où l’importance de soutien compétent pour accompagner les thérapeutes avec les obstacles qu’ils rencontrent (dans leur pratique de la méditation de pleine conscience).

Cependant, les résultats sur l’influence de la pratique de la méditation sur le travail des thérapeutes ne sont pas unanimes. L’étude de Ryan et ses collègues (2012) ne permet pas de trouver des corrélations significatives entre les reports des patients sur la diminution de leur symptomatologie globale et la pratique de la méditation de pleine conscience de leur thérapeute. Il leur a été difficile d’obtenir des corrélations entre le nombre d’années d’expérience et la théorisation de la pleine conscience, et ce, en accord avec d’autres résultats issus de la recherche scientifique. La recherche de Ryan et ses collègues n’est pas la seule à obtenir des résultats qui ne permettent pas de conclure à des bénéfices sur le travail avec les clients pour les thérapeutes pratiquant la méditation de pleine conscience. Cela semble dû au fait que ce champ d’exploration est actuellement à ses débuts et qu’il est difficile de théoriser certains aspects.

De futures recherches sur l’étude de la puissance de la durée, de la fréquence et de la qualité de la pratique de la méditation seraient intéressantes. Ces études doivent aussi porter sur la manière dont les bénéfices de la pleine conscience se cumulent à travers le temps et sur le point de vue des clients et des superviseurs sur l’évolution des thérapeutes pratiquant la méditation en comparaison à des thérapeutes qui ne la pratiquent pas. De telles recherches permettraient sûrement d’enrichir nos connaissances sur l’influence de la pratique de la méditation sur le travail des thérapeutes avec leurs clients.

Pour conclure, la pratique de la méditation de pleine conscience apporte des effets positifs pour le thérapeute qui sont confirmés depuis plusieurs années par la littérature scientifique. Les recherches sur l’influence de cette pratique sur le travail du thérapeute avec ses clients sont relativement récentes et les résultats sont moins clairs. De plus, la pratique de la méditation de pleine conscience ne va pas sans défi pour les thérapeutes, d’où l’importance de superviseurs.

Il me semble intéressant dans cet article de promouvoir le thérapeute en tant qu’outil, élément qui est parfois négligé au profit de nouvelles techniques et de nouvelles approches. L’art du thérapeute consiste en effet, à construire une bonne alliance thérapeutique. Selon Brillon (2010), « l’alliance thérapeutique s’appuie sur les capacités relationnelles du thérapeute : son ouverture, son authenticité, sa capacité d’écoute et d’accueil, son assurance personnelle ». Finalement, la pratique de la méditation de pleine conscience est un outil parmi d’autres pour aider le thérapeute à entretenir et améliorer sa relation avec lui-même, et par conséquent, sa relation au client.

Bibliographie

Brillon, M. (2010). L’alliance thérapeutique. Psychologie Québec, 28 (2), 20-23.

Davis D.-M. and Hayes J.-A. (2010). What are the benefits of mindfulness? A practice review of psychotherapy-related research. Psychotherapy, 48, 198-208.

Grepmair, L., et al. (2007). Promoting mindfulness in psychotherapists in training influences the treatment results of their patients: a randomized, double-blind, controlled study. Psychotherapy Psychosomatics, 76, 332-338.

Keane, A. (2014). The influence of therapist mindfulness practice on psychotherapeutic work: a mixed-methods study. Mindfulness, 5, 689-703.

Ryan, A. et al. (2012). Therapist mindfulness, alliance and treatment outcome. Psychotherapy Research, 22, 289-297.

-Maeva Bauer
Interne en psychologie au CCPE